RACE ACROSS FRANCE 2022 (1000KM), ALVARO MADRAZO

RACE ACROSS FRANCE 2022 (1000KM), ALVARO MADRAZO

Publié par Adrien Dicque le

Les "Race Across" nous viennent d'outre Atlantique, avec la première traversée en 1982 d'Ouest en Est des Etats-Unis, soit plus de 5 000km. Déjà 4 ans qu'en France des centaines de cyclistes sillonnent en solitaire et sans assistance les routes de France, du Touquet à Mandelieu la Napoule, en passant par les paysages magnifiques de Chambord, du Mont St Michel, des Alpes...

Revivez cette 5ème édition au travers du récit d'Alvaro, fondateur Holyfat.

"La Race Across France est devenu en 4 ans une référence dans le pays et en Europe qui a fait naître le Tour de France. Pour rendre hommage à sa grande soeur américaine et faire un pont d’amitié entre nos deux pays, la Race Across France propose un fabuleux challenge de 2.500km, inscrit dans le souvenir des heures les plus marquantes de notre histoire commune.

4 distances sont accessibles dans un seul événements pour avoir la possibilité de découvrir, de se challenger mais aussi de se dépasser. Le parcours sillonne la France en passant pas le Mont St Michel, les chateau de Chambord, les Alpes et les plus hauts lieux du cyclisme, le Ventoux, le Verdon…

Chaque participant a des raisons différentes de participer à une course comme la Race Across France (RAF) : apprendre à se connaître dans l'épreuve, battre un record, se dépasser et accomplir ce qui semble impossible.

Mes raisons à moi sont variées et à la fois professionnelles et personnelles. Côté professionnel, je voulais représenter la marque Holyfat que j’ai créée et mettre en lumière l’efficacité de nos produits. Personnellement, mon défi était de sortir de ma zone de confort pour mieux me connaître dans des circonstances inédites. Et plus profondément, je voulais faire le deuil de la perte de mes proches survenue l’année passée. Depuis un an, je n’avais pas eu l’opportunité d’intérioriser cette perte et de me réconcilier avec la vie qui suit son cours en dépit de tout.

Cette édition de la RAF fut extrêmement exigeante à cause des changements de température, nous passions de plus 35 degrés à un froid humide à la descente des cols qui me faisait trembler. Sans compter les orages qui arrivaient sans prévenir. Le col de l'Iseran a été la première difficulté et comme le dit Mike Tyson « tout le monde a un plan jusqu’à ce qu’il reçoive la première droite » et l’Iseran m’a donné un sacré coup de poing, qui m’a fait revoir tout mon planning.

A la descente j’ai pris froid et je me suis retrouvé dans la vallée qui conduit à Saint Michel en Maurienne, au bord de la route vomissant et me demandant pourquoi j’étais là ? À ce moment-là je n’avais pas de réponse, ni la force de me questionner. Je décide de chercher un hôtel en me disant que j'aurai le temps de réfléchir le lendemain.

Deuxième jour, je commence à comprendre la solitude de ce défi, le rendant simple et difficile en même temps. Une parodie de la vie, on doit avancer mais nous n’avons plus l’envie, la force ou la volonté de le faire, la seule chose à faire est pédaler donc je pédale.

Descente du Galibier avec les routes mouillées, je réfléchi à la fragilité de nos vies. Un virage mal pris et c’est GAME OVER. Un précipice de quelques centaines de mètres à ma droite me rappelle à chaque instant que j'ai le vertige. Malgré ces pensées, la possibilité d’un accident mortel paraissait tellement loin.

Au pied du col de Glandon, malgré le message envoyé par l’organisation concernant une alerte sur des tempêtes orageuses, je décide de continuer avec mon objectif de la journée : franchir le dernier des cols des Alpes avant minuit. Quelques heures plus tard, dans la solitude du col, le ciel couvert et des éclairs autour de moi, j’ai eu peur pour la première fois de la course. Pourquoi suis-je là ? Je ne sais pas, mais je continue, je pédale.

Jeudi matin j’ai appris la terrible nouvelle sur mon téléphone. Un participant de la RAF 2500km s’est fait percuter par une voiture, le résultat est tragique. Un père de famille, un frère, un époux qui ne reviendra pas à la maison, un participant qui ne franchira pas la ligne d’arrivée. La question revient avec une force implacable “Pourquoi suis-je là ?”

Avec toute l’envie d’arrêter et d’embrasser mes filles et ma femme je prends mon vélo et repars. Je ne sais pas quoi faire d’autre. Monter sur mon vélo semble le plus simple, avancer pour ne pas reculer, pour ne pas réfléchir. La journée est une des plus compliquées en termes de température. Je suis avec des participants en duo, Jeremy et Vianney. On avance ensemble sans trop parler. Je crois qu’ils se posent la même question que moi. Soudain nous nous retrouvons sous la pluie ou plutôt sous la douche et nous trouvons refuge dans une boulangerie. Un croque-monsieur, un café, une sieste sur la table et nous repartons pour rouler 2-3 h sous la pluie.

J’ai envie d’abandonner, je n’arrive pas à comprendre pourquoi je suis là. Je parle au téléphone avec mon frère qui a vite compris ma situation, il me demande de tenir bon. J’ai l’impression que mon éventuel abandon peut affecter davantage mes proches que moi-même. Je baisse la tête, je pédale, je continue.

Au pied du Mont Ventoux, je mets à charger mon GPS mais il n’a pas aimé la charge rapideRésultat, il ne s’allume plus. Heureusement je connais le Géant de Provence et je pars à 20h pour attaquer son ascension. J’enlève le cardio, je regarde plus ma glycémie et je pars au « feeling ». 

Quel bonheur de partir en changeant de rythme, en forçant un peu, je me sentais plus vivant dans la « zone ». A 23h j’arrive au sommet et je prépare la descente. Mon frère m’accompagne par téléphone et ça me fait du bien de l’écouter, de savoir qu’il vivait l’aventure avec moi malgré les 9000 km qui nous séparent.

Je viens de comprendre que je ne suis pas seul, les rêves nous les partageons et s’il est vrai que sommes les exécuteurs, nous, ceux qui pédalons, c’est juste parce que c’est notre tour. Demain je serai à la maison et un de mes proches, de mes amis sera en train de vivre sa propre aventure. Grimper son propre Ventoux.

Je commence à comprendre Pourquoi suis-je là ? Parce que je eu un rêve, j’ai eu la volonté. 

Samedi a été la plus belle journée, arriver me paraissait plus facile que d’abandonner, une liberté et une légèreté me propulsait au milieu des champs de lavande, quel beau pays ! Il ne me reste qu’à profiter de cette dernière journée, la dernière montée, la dernière descente, le dernier kilomètre, le dernier virage, la fin.

Une sensation d’accomplissement mélangé à de la mélancolie, et une réponse au “pourquoi je suis là”. Je suis là, parce que je suis vivant, et vivre signifie que nous pouvons poursuivre nos rêves, avancer au nom de ceux qui ne peuvent pas le faire, c’est ma responsabilité de vivre aux limites de mes capacités, parce que un jour nous ne serons plus là, et ça peut arriver demain, ou après-demain.

Pourquoi suis-je la ? C’est une évidence. Je suis là parce que c’est mon tour."

 

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commentaires

  • Félicitations Alvaro,
    Beau récit qui traduit bien les montagnes russes physique et psychologiques qui accompagnent tous les ultra-cyclistes, quel que soit leur niveau.
    Malgré les innombrables “pourquoi suis-je là ?”, tu as su trouver en toi les ressources et la force pour aller au bout de cette difficile RAF.
    Encore bravo !

    Jean-Yves Couput le
  • Bonjour
    Alvaro nous avons échangé au départ à Megeve
    J’ai vraiment aimé donc analyse et ton histoire d’aventure car pour moi c’est plus une aventure qu’une course
    J’ai qu’une envie c’est repartir en mode road trip.
    Si tu veux échanger sur comment on a vécu notre raf
    Je pense que tu as mes coordonnées par rapport à ton entreprise
    J’aimerais bien avoir un contact téléphonique avec toi car j’ai bien aimé notre petit échange à Megeve
    A toi de voir
    Félicitation et à plus tard peut-être

    Schots le

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